14 OCTOBRE 1958 : Proclamation de la République malgache

Il y a 61 ans de cela que la première République de Madagascar a été proclamée officiellement. Aucune festivité ni commémoration officielle n’est prévue ce jour pour la date d’anniversaire de la Première République qui a été d’ailleurs rayée de la liste des jours fériés. Toutefois, il s’avère indispensable de  faire savoir l’histoire de Madagascar qui marque une étape très importante pour la souveraineté et l’indépendance du pays.

Célébration de la proclamation de la République, le 14 octobre 1958 sur l’Avenue de l’Indépendance (photo d’archives)

Le 14 octobre 1958, après l’adoption de la Constitution française de 1958, Madagascar devient une République membre de la Communauté. Le Congrès approuve la proclamation de la République malgache par 208 voix pour, zéro contre et 26 abstentions, 6 membres étant absents.

La proclamation a été effectuée par le président du Congrès des assemblées provinciales, le président Norbert Zafimahova le 14 octobre 1958 à 10h50. Lors de son discours, le président a déclaré qu’en vertu des pouvoirs donnés au Congrès par l’article 76 de la Constitution française et l’article premier de l’ordonnance du Général de Gaulle, il a l’honneur de proclamer que Madagascar est un Etat et que cet Etat est une République dans la Communauté prévue par la Constitution du 4 octobre 1958. Une première Constitution est adoptée et entre en vigueur le 29 avril 1959. L’indépendance est proclamée le 26 juin 1960.

Première Constitution

La Loi constitutionnelle n° 1, érigeant Madagascar en Etat membre de la Communauté,
proclamant la « République Malgache », portant organisation des pouvoirs provisoires,
et déterminant les conditions de préparation et d’approbation de la Constitution de la République Malgache.

Le Congrès des Assemblées provinciales de Madagascar, réuni à Tananarive le 14 octobre 1958, sur convocation faite par arrêté n° 1.166 du 8 octobre 1958 ;

Prenant acte de la volonté du peuple malgache exprimée lors du référendum du 28 septembre 1958 de faire partie de la Communauté instituée par la Constitution promulguée le 4 octobre 1958 ;

Conformément à ladite Constitution et à l’ordonnance n° 58-913 du 6 octobre 1958, fixant certaines conditions d’application de l’article 76 de la Constitution et le régime provisoire des pouvoirs publics dans les territoires
d’outre-mer,

A délibéré et adopté,

Le Haut Commissaire de la République Française promulgue la loi de l’Etat malgache dont la teneur suit :

Article premier.

Dans le cadre de la Constitution du 4 octobre 1958, le territoire de Madagascar manifeste la volonté de devenir Etat membre de la Communauté créée par ladite Constitution.

Article 2.

L’Etat de Madagascar est une République et s’intitule « République Malgache ».

Article 3.

L’Assemblée représentative est dissoute. Les Assemblées provinciales et les Conseils de province actuels resteront en fonctions jusqu’à leur renouvellement tel qu’il sera décidé par l’Assemblée nationale provisoire législative prévue à l’article 4.

Article 4.

Il est créé une Assemblée nationale constituante, qui sera également l’Assemblée législative provisoire. Elle est composée de 90 membres élus par le Congrès des Assemblées provinciales et pris en son sein, au scrutin de liste majoritaire sans panachage par province, à raison de :

Diégo-Suarez 10
Majunga         14
Tamatave       14
Tuléar             15
Tananarive      17
Fianarantsoa   20

En cas de vacance d’un ou plusieurs sièges, notamment par décès ou démission, il sera pourvu au remplacement du titulaire parmi les conseillers de la province à laquelle appartenait le conseiller à remplacer, par un vote des six assemblées provinciales, siégeant chacune au chef-lieu de leur province, le résultat de l’ensemble des votes sera centralisé au siège du Gouvernement provisoire pour proclamation.

L’élection aura lieu au scrutin majoritaire uninominal s’il s’agit de procéder au remplacement d’un seul titulaire dans une même province et au scrutin de liste majoritaire sans panachage s’il s’agit du remplacement de plusieurs titulaires appartenant à la même province.

Article 5.

Outre les attributions précédemment exercées par l’Assemblée représentative, l’Assemblée nationale constituante est chargée de voter la Constitution  de la République dans les conditions précisées aux articles 12 et 13 suivants.

En tant qu’Assemblée législative provisoire, cette Assemblée aura qualité pour faire les lois applicables à l’ensemble de la République Malgache, tant que la Constitution nouvelle n’aura pas été mise en vigueur.

Article 6.

Le Conseil de gouvernement du Territoire actuellement en fonction, est reconduit pour constituer le Gouvernement provisoire de la République.

Ce Gouvernement demeurera en fonction jusqu’à la mise en place des institutions qui seront prévues par la nouvelle Constitution de la République.

Article 7.

En vue d’assurer le fonctionnement du Gouvernement provisoire, le Président du Gouvernement peut remanier et élargir la composition du Gouvernement.

Article 8.

Les Vices-présidents des Conseils de province deviennent Présidents des Conseils de province, dans des conditions analogues à celles qui sont prévues pour la Présidence du Conseil de gouvernement par l’ordonnance n° 58-638 du 26 juillet 1958.

Article 9.

Les Présidents de Conseil de province seront convoqués par le Président du Gouvernement provisoire pour constituer un « Haut Conseil provisoire de la République » en vue notamment d’étudier les projets de budget, les projets fiscaux, les projets et programmes du développement économique et social, les conventions à passer avec la République Française et la mise au point des projets de lois organiques nécessaires à la mise en route des nouvelles institutions.

Article 10.

Le Gouvernement provisoire détermine et conduit la politique de la République. Il dispose de l’administration et des forces intérieures dans le cadre des lois et règlements en vigueur.

Il exerce par voie de décrets et d’arrêtés le pouvoir réglementaire et assure notamment les relations avec la Communauté et la République Française, en particulier pour la préparation des modalités de mise en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958.

Article 11.

Les pouvoirs dévolus au Gouvernement de la République Française ou au Ministre de la France d’Outre-mer par les textes en vigueur, notamment par la loi municipale du 18 novembre 1955 et par les décrets n° 57-463 et n° 57-464 du 4 avril 1957 et les actes subséquents sont conférés au Gouvernement provisoire de la République Malgache pour tout ce qui concerne la tutelle ou la création des communes, la tutelle des provinces ou du Territoire, notamment en matière d’approbation ou annulation de leurs actes, de suspension ou de dissolution de leurs Conseils de province.

Article 12.

Il est créé un Comité constitutionnel consultatif chargé de donner son avis sur le projet de Constitution de la République Malgache qui lui sera soumis par le Gouvernement provisoire.

Il est composé de cinq membres par province, élus par le Congrès des Assemblées provinciales au scrutin de liste majoritaire sans panachage et pris en leur sein, et de sept membres nommés par le Gouvernement provisoire à raison de leur compétence.

Article 13.

Le Comité devra fournir son avis au Gouvernement provisoire dans le délai de trente jours.

Le Gouvernement provisoire, après modifications eventuelles, arrêtera les termes du projet définitif qui devra être soumis à l’Assemblée nationale constituante dans les quinze jours suivant la réception de l’avant-projet par le Gouvernement provisoire.

L’Assemblée nationale constituante devra statuer dans le délai de quinze jours, faute de quoi le projet de Constitution déposé devant elle sera adopté par le Gouvernement provisoire qui pourra, dans ce cas, amender son projet initial par les modifications qui auraient été apportées par l’Assemblée.

Article 14.

La présente loi constitutionnelle sera promulguée et publiée au Journal officiel de la République Malgache.

Elle sera exécutée comme Loi de l’Etat Malgache.

Fait à Tananarive, le 14 octobre 1958

Le Haut Commissaire de la République Française,
André SOUCADAUX.

Le Président du Gouvernement provisoire de la République malgache,
Philibert TSIRANANA.

Le Vice-président du Gouvernement provisoire,
Philibert RAONDRY.

Le Ministre des finances et des affaires économiques,
P. LONGUET.

Le Ministre de la production,
Gervais RANDRIANASOLO.

Le Ministre des affaires sociales,
André RESAMPA.

Le Ministre des mines et de l’énergie,
Justin BEZARA.

Le Ministre de l’équipement,
A. RAMANGASOAVINA.

Loi d’annexion

Le Haut Commissaire de la République française André Soucadaux avait déclaré par la même occasion, la caducité de la loi d’annexion du 6 avril 1896. Et ce, à travers la loi constitutionnelle n°1 érigeant Madagascar en Etat membre de la Communauté, proclamant la « République Malgache », portant organisation des pouvoirs provisoires, et déterminant les conditions de préparation et d’approbation de la Constitution de la République malgache laquelle avait été adoptée le 29 avril 1959.

La loi constitutionnelle a jeté les bases de la « République Malgache » qui constituait un premier pas vers l’indépendance. La Première République aura duré 17 ans. Du 14 octobre 1958 au 30 décembre 1975, date de naissance de la « République Démocratique de Madagascar ». La seconde du genre dans les annales du pays qui a rayé de la liste des jours fériés, le 14 octobre 1958. Presque en même temps que la Première République.

Avant le 6 août 1896

Avant la date de la loi d’annexion, Madagascar était une nation reconnue sur le plan international. Puis, avant le retour de cette indépendance (26 juin 1960), la proclamation de la république de Madagascar a eu lieu le 14 octobre 1958 dans l’amphithéâtre du lycée Galliéni à Andohalo où une stèle dressée dans l’actuel jardin, rénové par le maire Andry Rajoelina, rappelle l’évènement. Tout le monde, actuellement, semble l’avoir oublié. Cette proclamation de la République de Madagascar avait fait suite au Congrès des assemblées provinciales, présidé par le leader politique du Sud, Norbert Zafimahova, concurrent direct de Philibert Tsiranana à la présidence de la République. La loi d’annexion de 1896 avait, auparavant, été déclarée caduque par le Haut Commissaire français André Soucadaux.

En fait, cette année 1958 a été riche en évènements. Cette proclamation de la République a été précédée, le 28 septembre, d’un référendum sur l’adhésion à la Communauté française. Le pays a voté « Oui » sauf la population d’Antananarivo. Le 16 octobre, l’Assemblée Constituante et Législative provisoire, présidée par Norbert Zafimahova, élabore la Constitution du jeune Etat dont l’exécutif fut assuré par un gouvernement provisoire présidé par Philibert Tsiranana.

Philibert Tsiranana, premier président

Cette constitution sera adoptée le 29 avril 1959. Et ici, il importe de le savoir : il n’y a jamais eu de vote au suffrage universel. Philibert Tsiranana, ayant recueilli 113 voix sur 113, des membres de cette Assemblée constituante, devient le premier président de la première République malgache, pour sept ans. Le 14 octobre 1958, Philibert Tsiranana est élu président de la nouvelle République de Madagascar. Une marche de plus vers l’indépendance de la grande île. Par cette proclamation, la population malgache accepte aussi par référendum d’entrer dans la Communauté française. Elle obtiendra ensuite son indépendance le 26 juin 1960.

La première République malgache est “inspirée du modèle constitutionnel et administratif français” avec un chef d’État élu au suffrage universel pendant sept ans, le bicamérisme (Assemblée Nationale/Sénat) ainsi que la décentralisation administrative (les préfectures sont apparues en 1962).

En 1975, sera instaurée une République Démocratique de Madagascar. La situation économique de l’île se détériore et une troisième République est proclamée en 1992. L’appauvrissement de la population demeure encore aujourd’hui le problème central de l’île.

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