L’affaire des cinq Boeing 777 immatriculés à Madagascar et qui ont fini en Iran connaît un nouveau tournant. Après deux jours d’auditions intenses menées par le Bureau Fédéral des Investigations des Etats-Unis d’Amérique (FBI) aux côtés de la police nationale, les principaux accusés de ce scandale seront présentés ce vendredi 22 août au parquet d’Anosy.
Ils sont six à dormir depuis plusieurs nuits dans les locaux de l’École nationale supérieure de la police (ENSP) à Ivato, utilisés exceptionnellement en raison de sécurité. Quatre agents de l’Aviation civile de Madagascar parmi lesquels le directeur de la supervision de la sécurité (DSE), un inspecteur aéronautique et deux agents impliqués dans la délivrance de codes transpondeurs. À leurs côtés, deux hommes d’affaires, un ressortissant indien et un Malgache, propriétaires de la société UDAAN. Ces derniers sont soupçonnés d’avoir joué un rôle central dans l’acheminement frauduleux des avions.
Les auditions ont également concerné plusieurs témoins, dont un secrétaire du DSE et 3 agents de l’ACM, ainsi qu’un inspecteur stagiaire ayant accompagné la mission en Chine. Si certains ont déjà été relâchés, d’autres restent dans le viseur de la justice. Le ministre Valéry Ramonjavelo, limogé dès l’éclatement du scandale, et le directeur général de l’ACM, ont été interrogés eux aussi. Ils n’ont pas été placés en garde à vue mais n’ont plus le droit de quitter le territoire. Dans cette affaire, personne n’est totalement hors de portée.
Les chefs d’accusation qui se profilent sont lourds : faux et usage de faux, atteinte à la sûreté de l’État. Le reste – infractions aéronautiques internationales – pourrait bien glisser vers l’Organisation de l’Avion Civile Internationale (OACI), voire la Cour internationale de justice. Autrement dit, ce n’est pas seulement un dossier malgache, c’est déjà un dossier mondial.
Une purge qui interroge
Au milieu de ce chaos, le ministère des Transports a connu une saignée sans précédent. Le 11 août, Christian Ntsay, Premier ministre et ministre par intérim, a signé le renvoi pur et simple des 25 membres du cabinet Ramonjavelo. Pas un n’a échappé : directeur de cabinet, conseillers, attachés de presse, tout le monde dehors. Une manière de montrer que l’État ne badine pas.
Mais une question demeure. Le Premier ministre, même intérimaire, peut-il à lui seul balayer un cabinet entier ? Était-ce une nécessité juridique, ou bien un geste politique, presque théâtral, destiné à rassurer les Américains et les partenaires étrangers ? On sait que Washington garde un œil suspicieux sur tout ce qui touche à l’Iran. Et là, cinq Boeing 777 qui apparaissent soudain dans le ciel de Téhéran… ça ne passe pas inaperçu.
Victime ou complice ?
Difficile d’imaginer que cinq avions censés partir au Kenya pour des réparations, avec immatriculations, certificats de navigabilité et plans de vol internationaux, aient pu filer jusqu’en Iran sans que quelqu’un, quelque part, n’ait levé le sourcil. Alors, faut-il croire que l’État a été dupé de bout en bout ? Ou faut-il admettre que certains responsables savaient, mais ont préféré fermer les yeux jusqu’à ce que la presse mette tout sur la place publique ?
Aujourd’hui, le gouvernement malgache affiche une fermeté sans concession. Mais entre fermeté et communication, la frontière est parfois mince. L’avenir dira si ce “Boeing gate” marque le vrai début d’un assainissement… ou si ce n’était qu’une mise en scène pour sauver la face.
