EAU ET ÉLECTRICITÉ : Le casse-tête national

Jamais, depuis le début de cette décennie, la population d’Antananarivo et de sa grande banlieue n’a connu un déficit aussi grave pour son approvisionnement en eau. Et le comble, c’est que cela survient parallèlement avec le problème récurrent de l’électricité, qui, de nouveau, fait l’objet de délestage, économique ou technique, ou tout simplement de panne. Dans les autres localités du pays, la situation n’est guère différente, à l’image de Mahajanga où les bidons jaunes sont alignés, car l’eau n’est disponible que la nuit, du moins pour ceux qui n’habitent pas dans une maison à étages.

La compagnie nationale de l’électricité et de l’eau, la Jirama, est malade, de sa structure, d’un manque de vision, de faux axes d’investissement, pour l’électricité surtout, et, dans une certaine mesure, d’un corporatisme qui cadre mal avec l’état de santé d’une entité sous perfusion budgétaire depuis des années. La valse de dirigeants, en une quinzaine d’années, a prouvé que les fusibles passent mais que les problèmes demeurent, auxquels s’ajoutent les vols d’électricité, par des particuliers et des entreprises, ainsi que le détournement de carburant.

L’eau, c’est la vie

L’eau, avec la conjugaison des impacts du changement climatique, de la déforestation, et du remblayage, devient de plus en plus un produit hautement stratégique, mais aussi destructeur à bien des égards. Presque dans tout le pays, les services écologiques assurés par les écosystèmes forestiers sont très menacés, la sécheresse de 2016-2017, sur les hautes terres, dont Analamanga et les régions limitrophes, fut une sérieuse alerte : la situation exige, plus que jamais, une approche holistique. La vétusté des infrastructures de distribution d’eau de la Jirama est criante, que ce soit à Antananarivo, Fianarantsoa, ou Antsiranana. A Antananarivo, les stations d’Ankadivoribe, d’Ambatofotsy-Avaradrano, et de Faralaza-Talatamaty, construites ces dernières années, semblent dépassées par la demande, quant à la station d’Amoronankona elle tarde à venir.

Pour l’heure, le forage est préconisé, moyennant la construction de châteaux d’eau dans les zones concernées. Effectivement, le forage pourrait être une solution, mais il existe de gros risques, et la situation doit faire l’objet d’une approche globale. Actuellement, le remblayage des zones tampons a pour conséquence la montée des eaux, à chaque saison, ou à l’occasion d’une grosse pluie, car elles cherchent leur chemin : faute d’infiltration, l’eau de pluie ruisselle, et seule une infime partie nourrit la nappe phréatique. Or, le forage, plus qu’un simple puits, va chercher ce qui est appelé « l’eau de constitution », en l’occurrence celle provenant de tout un bassin versant et qui alimente la nappe phréatique, et quand ce processus n’est plus possible, en raison de la disparition des écosystèmes forestiers, il y a un tarissement des sources, et une disparition de la nappe phréatique. La grande menace est donc la conjonction des impacts négatifs de deux actions anthropiques, le remblayage et la déforestation, exacerbés par les effets du changement climatique. L’impératif réside ainsi dans l’arrêt du remblayage des zones tampons et la reforestation, même en périphérie des zones urbaines, telle que préconisé par le récent sommet extraordinaire des Nations Unies sur le changement climatique, à New York, en septembre 2019. Un grand projet de « Chaîne mondiale de villes vertes » devrait être financé et lancé prochainement, autrement dit le reboisement ou la préservation du couvert forestier en milieu urbain. En Afrique, Naïrobi, Addis Abéba, et Kigali sont d’ores et déjà considérés comme des villes pilotes.

Electricité : la transition énergétique

Andekaleka a été la dernière grande centrale hydroélectrique construite à Madagascar. Les investissements furent ensuite concentrés dans l’énergie thermique, par la location de gros groupes de différents fournisseurs, installés sur le site d’Ambohimanambola, à Antananarivo, et dans d’autres villes, avec les conséquences que l’on connaît à l’heure actuelle. Un expert avait lancé que les coûts occasionnés par les centrales thermiques auraient pu servir à la construction de centrales hydroélectriques : effectivement, ce ne sont pas les sites qui manquent car le pays possède, en la matière, un potentiel d’environ 8000 MW, selon la Banque Africaine de Développement.

A partir de 2016, reprise des relations avec les bailleurs et les investisseurs, des centrales hydroélectriques sont en chantier, à l’instar de celle de Farahantsana, en Région Analamanga, commune de Mahitsy, prévue d’être terminée cette année, et devant fournir 28 MW ; il en est de même pour celle de Balaoka-Lokoho, en Région SAVA, ou Ampitabepoaky, Tsiroanomandidy. Quant à la future centrale hydroélectrique de Sahofika (192 MW) elle sera la plus importante du pays, les études entamées en 2018 vont permettre le démarrage des travaux vers la fin de cette année.

En énergie solaire, Madagascar possède un immense potentiel car le temps moyen d’ensoleillement est de l’ordre de 2800 heures par an. Selon les estimations, l’énergie solaire peut fournir 2000 kWh par an, par mètre carré de panneau solaire, ce qui constitue une option efficace pour l’accès du monde rural à l’électricité. La première grande ferme solaire photovoltaïque de Madagascar est opérationnelle à Ambatolampy, depuis 2018, avec une production de 20 MWc ; à Maevatanana, c’est une centrale hybride solaire-thermique qui approvisionne la capitale de la Région Betsiboka depuis la même année ; et tout récemment à Antsohihy. A la dimension d’une commune rurale, le projet « 100 Villages Solaires » a été lancé à Belobaka, en Région Bongolava ; il faut dire que plusieurs communes rurales disposent de petites centrales hybrides solaire-thermique, c’est le cas, par exemple de Mahaboboka et de Saint Augustin, en Région Atsimo Andrefana, grâce à la coopération internationale. Et, pas plus tard que la semaine dernière, la construction d’une centrale hybride solaire-thermique a été lancée à Morondava. C’est dire que les énergies renouvelables constituent un atout considérable, et contribuent, par ailleurs, à l’accès du monde rural à l’électricité, même les localités les plus enclavées.

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