Éducation Nationale : Echec et Mat

Au-delà de l’éviction de Rijasoa Andriamanana Josoa du ministère de l’Education nationale qui n’aura finalement pas été une surprise, c’est plutôt la question du relèvement du niveau de l’éducation en général dans ce pays qui doit préoccuper le pouvoir.

Le grand timonier chinois, Mao Tsé-toung, déclara 5 décennies plus tôt : « il n’y a pas d’élèves cancres mais que des enseignants nuls ». Ces paroles à l’allure prophétique illustrent bien les résultats scolaires de ces 10 dernières années à Madagascar. Ils n’ont cessé de dégringoler à l’image de ceux du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) dont la cuvée 2019 n’a atteint que 20-30 % en moyenne nationale, parfois même de 10% dans certains centres d’examens. Des collèges affichent des résultats avoisinant les… 0%. La chute a été rude par rapport aux 48,81% de 2018. Que va-t-on faire de tous ces redoublants, en plus des nouveaux arrivants en classes de 3ème ? Que sera le taux de réussite pour le baccalauréat cette année ? La même chose qu’au BEPC ?

Il ne faut pas oublier que l’évolution de l’enseignement du primaire au supérieur ressemble à un goulot d’étranglement, seul 1% atteint la sortie de l’université ! Un rapport publié en 2019 par le Fonds d’urgence international des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) révèle un recul au fil des années du taux d’achèvement scolaire. Nos scolaires ont un niveau de connaissance plus bas qu’en 1998 ! Le pourcentage d’élèves ayant des compétences minimales en 5ème année du primaire ne cesse par exemple de chuter depuis 1988. Mais surtout, la première section du document dévoile que Madagascar présente le plus faible montant de dépenses d’éducation par élève en Afrique, durant l’année 2015, le pays occupait la dernière position derrière le Burundi et l’Ouganda !

Malgré la hausse du budget du ministère de l’Education nationale, de l’enseignement technique et professionnel pour cette année 2020,  il est toutefois en baisse en pourcentage du budget total. Alors atteindra-t-on les objectifs fixés par le Plan Sectoriel de l’Education (PSE) ? Ces chiffres publiés par l’UNICEF reflètent quelque part l’état de l’éducation malagasy.

Les jeunes sont mal enseignés dès la base (primaire et premier cycle) et le supérieur, n’en-parlons plus ! Que formons-nous ? Car le marché du travail est loin de répondre aux attentes de nos enfants et vice versa. Souvent on constate qu’après leurs études, à l’exception de la médecine, il faut pour beaucoup suivre une autre formation afin d‘apprendre un vrai métier qui est souvent au-dessous du niveau déjà acquis dans l’enseignement supérieur. Des Bac + 5 sont devenus des opérateurs dans des Call-Centers, « chômeur diplômé » mérite bien sa définition à Madagascar, et ce depuis des décennies.

En réalité l’enseignement prodigué n’est pas adapté au besoin des jeunes et des entreprises, donc les problèmes sont ailleurs. Pourquoi les jeunes s’ennuient-ils à l’école ? Car on veut toujours utiliser la méthode d’apprentissage de tout par cœur, on apprend pour mémoriser alors que l’objectif à atteindre n’est-il pas de résoudre des problèmes et gérer les besoins des entreprises ? Quelles sont les responsabilités du personnel éducateur dans tout ce marasme, en dehors de la faiblesse budgétaire réservée à l’enseignement, comme le constate l’UNICEF. PSE ou pas, il apparaît qu’il n’y a aucune vraie politique de fond concernant l’éducation, on discute sur les formes comme le calendrier, mais rien sur le fond. A quoi sert encore le Certificat d’Etude Primaire Elémentaire (CEPE) ? La seule autosatisfaction d’avoir son premier diplôme, alors que ce type de titre n’est plus recherché au niveau de l’emploi. Sans oublier le vrai niveau de nos instituteurs, enseignants et professeurs qui laisse parfois à désirer.

Si l’UNICEF, dans son rapport 2019, décrit bien les états de l’enseignement à Madagascar, nous-mêmes sommes conscients que tout a débuté au milieu des années 70, période la «nationalisation » (malgachisation) de l’éducation, partout dans le Tiers-Monde cela fut un succès, plus particulièrement en Asie, mais chez nous et dans certains pays africains ce fut le fiasco. En Malaisie, l’ «affirmative action » (action affirmative), à travers la malayanisation à partir de 1976 visant à promouvoir l’ethnie malais représentant 60% de la population, a été un franc succès, car elle explique en partie le boum économique de ce pays devenu un dragon, à l’image de l’Institut Teknologi Mara (ITM), pour former des cadres malais. Mais à Madagascar ce fut la dégringolade, car nous avons tout confondu, alors que nous n’avons connu aucune guerre civile comme au Burundi et Ouganda.

Chez nous, quelques habitudes sont au-dessus des lois, pourquoi se gargariser de l’Etat de droit. Le constat est triste, les résultats du BEPC nous disent que notre éducation est en mode Echec et Mat, et en terminant sur un autre dicton chinois : « pour détruire une nation, nul besoin d‘envoyer des militaires, il suffit de détruire son enseignement ».

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