Nous vous invitons à vous joindre à nous pour faire part des préoccupations urgentes concernant la mise en œuvre du projet intégré toxique Base Toliara, qui menace les moyens de subsistance et les droits humains fondamentaux des communautés affectées et des générations futures dans le district de Toliara II à Madagascar, et qui risque d’aggraver les impacts de la crise climatique dans le pays.
En avril 2024, la société australienne Base Resources et le producteur américain d’uranium et de minéraux critiques Energy Fuels Resources Inc. ont conclu un accord contraignant permettant à ce dernier d’acquérir 100 % des actions émises par Base Resources par le biais d’un plan d’arrangement. Cette transaction permettra de créer un leader mondial dans le secteur des minerais critiques, axé sur la production d’éléments de terres rares (ETR), d’uranium et de sables minéraux lourds (SML : ilménite, rutile et zircon), ainsi qu’une plateforme pour le financement et le développement du projet intégré Base Toliara à Madagascar, dont la production future de concentré de monazite sera traitée à l’usine de White Mesa d’Energy Fuels, située dans l’Utah aux États-Unis d’Amérique (USA).
Le projet minier Base Toliara est situé dans une région de Madagascar où il a rencontré une opposition farouche de la part des communautés affectées, d’où sa suspension depuis 2019. Le projet intégré Base Toliara est basé sur la production combinée de SML et de concentré de monazite, ce qui aura très probablement de graves impacts sur les droits humains fondamentaux, étant donné la grande vulnérabilité de la population locale à tout impact négatif du projet sur leur accès à l’eau, à la terre et aux ressources forestières dont ils dépendent de manière critique pour leur survie, ainsi qu’à toute forme de pollution de leur environnement naturel.
En particulier, les risques liés à la radioactivité émanant du site d’extraction d’ilménite, de zircon et de rutile situé à Ranobe figurent parmi les principales raisons invoquées par les communautés locales qui s’opposent depuis de nombreuses années au projet d’exploitation de SML Base Toliara. Depuis 2014, plusieurs études scientifiques[1] ont démontré le danger de la radioactivité pour la population locale et l’environnement causé par l’exploitation de SML à Ranobe. Ainsi, une étude scientifique réalisée en 2014 a indiqué que les niveaux d’émission d’uranium et de thorium à Ranobe sont si élevés que des « mesures sérieuses de radioprotection » devront être prises pour éviter que les travailleurs en contact direct avec les minerais, comme les mineurs, et la population environnante ne courent le risque de « cancer ou de pathologies congénitales »[2].
Selon les résultats des recherches, ce danger est dû au fait que l’ilménite de Ranobe contient du Thorium 232, dont l’activité radioactive (10600-10700 Bequerel/kg), une fois à l’air libre, est supérieure à la norme AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) de 10 000 Bequerel/kg tolérée par le corps humain. Il est donc certain que cette radioactivité affectera la population, les espèces endémiques et l’environnement naturel de Ranobe et de ses environs. L’étude de préfaisabilité publiée le 21 mars 2019[3] par la société Base Resources elle-même affirme que le zircon contenu dans le gisement de SML de Ranobe contient de l’uranium et du thorium dont la radioactivité empêchera l’exportation de ses produits vers les États-Unis et le Japon.
La toxicité et la dangerosité du projet intégré Base Toliara ont été confirmées par l’étude de préfaisabilité de l’exploitation de la monazite publiée par Base Resources en décembre 2023, qui souligne que l’extraction et la concentration de la monazite augmenteraient de façon exponentielle les risques déjà élevés pour la santé et la vie des travailleurs et des résidents locaux. En effet, l’étude de préfaisabilité souligne qu'”il y aurait des risques de radioactivité pour les travailleurs et la communauté, qui devraient être correctement gérés. (…) La monazite du projet de Toliara sera classée comme marchandise dangereuse de classe 7 (…) en raison des niveaux de matières radioactives qu’elle contient, et nécessitera une manutention et une distribution spécialisées (…) ainsi qu’un navire dédié «(le partage avec d’autres cargaisons à bord d’un navire n’est pas autorisé)»[4].
Nous demandons aux autorités compétentes de Madagascar et des Etats-Unis de ne pas accorder de permis d’exploitation à ce projet intégré d’exploitation de SML et de monazite. Ceci non seulement en raison des risques inacceptables liés aux impacts sanitaires et environnementaux attendus, mais aussi en raison des preuves significatives que par le passé, de tels projets miniers soutenus par des fonds publics américains ont porté atteinte aux droits humains fondamentaux, détruit des habitats uniques et fortement pollué l’environnement local[5].
Alors qu’Energy Fuels Resources Inc. doit faire face à de vives protestations de la part de la tribu Ute Mountain Ute, qui vit dans la bande de White Mesa, à côté de son usine d’uranium de White Mesa dans l’Utah, contre les effets délétères de ses activités, l’entreprise est prête à faire des ravages dans les communautés touchées par son projet minier dans le district de Toliara II à Madagascar, qui ont la malchance de vivre sur des terres renfermant des ressources minières précieuses. Energy Fuels le fera au nom du nationalisme en matière de de ressources, comme l’indique sa déclaration selon laquelle « …(…)… en tant que seul producteur entièrement intégré de produits à base d’ETR séparés à partir de monazite aux États-Unis, nous pensons que le groupe fusionné sera particulièrement bien placé pour tirer parti de la volonté du gouvernement américain d’assurer la sécurité de l’approvisionnement national, ainsi que du désir des constructeurs automobiles nord-américains et européens de diversifier leurs sources d’approvisionnement en produits à base d’ETR, afin de soutenir la croissance de leurs objectifs de production de véhicules électriques et hybrides »[6].
Alors que le projet d’Energy Fuels de fournir des produits à base d’ETR bénéficie d’un soutien solide de la part du gouvernement américain, il n’existe aucune réglementation adéquate établie aux USA[7] pour tenir les sociétés minières responsables de leurs opérations à l’étranger. Au lieu de cela, le gouvernement américain compte principalement sur l’autorégulation de l’industrie extractive par le biais de programmes volontaires qui ont souvent échoué par le passé, comme le montre le cas révélateur de « la digue de résidus de Brumadinho qui s’est rompue en 2019, tuant 272 personnes au Brésil, alors qu’une inspection avait certifié la stabilité de la digue seulement quatre mois auparavant »[8].
Pour aggraver la situation, la consultation significative des communautés affectées est essentielle pour éviter les problèmes environnementaux et sociaux causés par le projet intégré Base Toliara. Malgré l’absence flagrante d’une telle consultation publique, sa reprise a été annoncée par le Ministre Malagasy des Mines et des Ressources Stratégiques le 16 septembre 2024 sans aucune information préalable et appropriée des communautés affectées, sans parler de leur consentement qu’elles ont constamment refusé de donner à ce projet au cours des dix dernières années.
Nous avons besoin de votre soutien ! En signant cette lettre ouverte, vous vous joindrez aux organisations de la société civile de Madagascar et du monde entier pour exhorter les gouvernements américain et malgache à reconsidérer leur soutien au projet intégré destructeur de la Base Toliara et à défendre les droits fondamentaux de toutes les communautés affectées.
Signez la lettre aujourd’hui !
CRAAD-OI – Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien
craad.madagascar@gmail.com ; http://craadoi-mada.com; https://web.facebook.com/CRAAD-OI_Page II
En solidarité avec:
- Fikambanan’ny Fiherena Manombo Mangoky (FI.FI.MA.MA.).
- Femmes en Action Rurale de Madagascar (F.A.R.M),
farmmadagascar@gmail.com; https://farm-madagascar.org/
- Réseau des Jeunes pour le Développement Durable (R.J.D.D.),
Rjdd.madagascar@gmail.com; https://web.facebook.com/RJDDMadagascar
- Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
patrimoine.malgache@yahoo.fr ; http://terresmalgaches.info, www.facebook.com/TANYterresmalgaches - Fikambanan’ny Masikoro Arivolahy, Antananarivo (FI.MA.),
Collectifs, organisations et individus signataires:
- John Feffer, Global Just Transition and Foreign Policy In Focus
- Observatori del Deute en la Globalització ODG
- Alternative Information and Development Centre (AIDC)
- The Right to Say No Campaign (R2SN)
- The Southern African Dismantle Corporate Power Campaign (SA DCP).
- GroundWork/ Friends of the Earth South Africa.
[1] Par des chercheurs de l’Université de Toliara et d’ Antananarivo en 2014, et par une équipe de Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN) de Madagascar.
[2] Presentée à la 9ème Conférence Internationale HEPMAD17 (October2017) à l’Academie Malagasy et publiée sur : http://www.slac.stanford.edu/econf/C170921 de l’Université de Stanford-Californie.
[3] https://www.baseresources.com.au/wp‐content/files/Toliara_PFS_confirms_a_world‐
class_mineral_sands_development.pdf
[4]Toliara Monazite Project Pre-Feasibility Study, 14 December 2023.
https://mb.cision.com/Public/22548/3893356/89a168c3d231921e.pdf
[5] https://www.theguardian.com/us-news/2017/feb/22/us-export-import-bank-africa-mines-financing-slave-labor
[6] Base Resources, Scheme Booklet, 2 Août 2024.
[7] https://icar.ngo/making-the-case-for-a-u-s-corporate-accountability-agenda/
[8] https://www.ecchr.eu/en/case/the-safety-business-tuev-sueds-role-in-the-brumadinho-dam-failure-in-brazil/
Pour mieux vous servir, l’AMP travaillera dans le respect de tout un chacun, dans la réalité des actualités et de ce qui nous entoure. L’objectivité sera notre mot d’ordre.